jeudi 30 août 2012

La Dame en blanc

J'ai abordé ce grand best-seller des années 50 (du XIXe siècle, cela va sans dire), sur les conseils avisés de Walter Benjamin. Dans l'un des innombrables fragments du Livre des Passages (G1, 6) il le présente comme un des meilleurs romans policiers de tous les temps. Bon, c'était il y a plus de de soixante-dix ans, et la littérature policière avait encore un bon paquet de chef-d'œuvres à pondre. Néanmoins un jugement de ce type est certainement prompt à susciter l'intérêt.

Benjamin ne se contente pas de donner son avis. Il se sert du livre de Wilkie Collins pour exemplifier ces thèses sur la modernité économique et culturelle. Ce qui l'intéresse avant tout, c'est le paratexte : la dame en blanc a donné lieu, selon lui, à la première véritable lithographie publicitaire, diffusée en grande échelle. Réalisée par Frederick Walker, cette gravure de masse prend la forme suivante :

L'illustration a profondément fasciné Benjamin. Elle constitue une sorte d'envers positif du fameux tableau de Klee, l'Angelus Novus, dont a figure tourmentée parcourt les Thèses sur le concept d'histoire. La femme en blanc, s'apprête à franchir l'entrebaillement d'une porte ouverte vers les étoiles. Elle se tourne un instant en arrière, vers le passé simple du monde clos de la tradition avant d'effectuer le grand saut vers les espaces relatifs et indéfinis du monde moderne. Inversement, chez Klee, l'Ange se dirige malgré lui vers l'au-delà, vers l'avenir. Une soudaine tempête le pousse inéluctablement vers le progrès. Il tente de réfrener autant que possible une telle violence, sans y parvenir.

Collins, Walker, Benjamin et Klee partagent manifestement une appréhension similaire de la vie moderne. La société industrielle est davantage placée sous le signe de la féérie que de la rationalisation du monde. L'abondance des biens, la circulation des personnes, l'expansion infini de l'espace urbain : tous ces facteurs plongent l'individu dans un environnement extrême, marqué par le double règne de la magie blanche (la disparition des famines, l'amélioration inespérée des conditions de vie) et de la magie noire (la désolidarisation, le machinisme, la multiplication des peurs collectives, l'ennui métaphysique face à la répétition de toutes choses…). La dame en blanc de la lithographie de Walker tend vers un ciel constellé de toute beauté. Et, pour autant, elle ne peut réprimer un sentiment d'effroi, une peur instinctive face à l'infini qui s'ouvre.

On pourrait ainsi aisément sous-titrer la Dame en blanc, Un roman de la vie moderne. Collins destructure à tout les niveaux le développement littéraire traditionnel. Le narrateur objectif n'existe pas : il n'y a que des narrations subjectives, marquées par leurs propres tics stylistiques et empreintes de leur propre moralité. Le lecteur est invité à assister au compte-rendu d'une sorte de procès, où se succède différents témoins à la barre.

Dans toute cette affaire, l'enjeu central est celui de l'identité. Il est posé dès la première rencontre, décisive entre le héros-détective, Walter, et la dame en blanc.

There, in the middle of the broad, bright high-road – there as if it had that moment spring out of the earth or dropped from the heaven – stood the figure of a solitary Woman, dressed from head to foot in white garments, her face bent in grave inquiry on mine, her hand pointing to the dark clouds over London, as I faced her.

Tout se passe en milieu urbain. La femme en question n'est rien, ni personne. Elle sort d'un asile de fou et erre dans les espaces indéfinies de la Ville avec une majuscule – Collins parle aussi, à plusieur reprises, de la Metropolis. Tout ce qu'elle prétend savoir, c'est une sorte de secret. On s'apercevra plus tard dans le livre que, tout ce qu'elle savait du secret, c'est qu'il existait.

Dans la mesure où elle n'est personne, et ne sait finalement rien la Femme en blanc est disponible pour toutes les substitutions. Elle en viendra d'ailleurs à jouer, bien malgré elle, le rôle de quelqu'un d'autre. Cette interprétation non désirée causera sa propre perte.

La problématique de l'identité se prolonge directement avec les deux principaux méchants de l'histoire. Le premier, Perceval de Glyde, cache tant bien que mal un mystère redoutable mettant à mal son propre statut d'aristocrate britannique. Le second, le comte Fosco, est une sorte d'espion, qui n'hésite pas à arborer de multiples compositions pour dissimuler un assez lourd passé,

Le personnage le plus intéressant du roman repose tout entier sur une disjonction identitaire. Marian Halcombe est une jeune femme de la haute-bourgeoise qui paraît tout destinée à la carrière peu enviable de vieille fille. Pas particulièrement belle, voire laide, elle regrette à de multiple reprises de ne pas être un homme. Elle affiche un comportement quasiment viril et un esprit d'initiative qui en fait un héros à part entière. Pendant la longue absence de Walter, c'est elle qui prend les choses en main. Elle manque de peu de mettre un terme à l'atroce conspiration qui se réunit contre sa demi-sœur, Laura.

La conclusion du roman parachève en quelque sorte cette thématique globale. On assiste d'abord à la destruction, par le feu, de papiers d'état civil, à même d'infirmer une identité socialement établie. S'ensuivent des luttes d'influences sourdes entre des sociétés secrètes plus ou moins communisantes et des autorités plus ou moins officielles.

Il y a ici tout un jeu de masque et de faux-semblant, qui est d'ailleurs bien plus grave qu'un simple jeu. La plupart des protagonistes du romans semble, à un moment où à un autre, céder à la névrose. La femme en blanc sort d'un asile d'aliéné, Laura y restera pendant quelques mois, Walter affiche, par intermittence, certains symptôme de paranoïa, Frederick Fairlie, l'oncle de Laura, se décrit lui-même comme un nœud de nerf en tension…

Pour Siegfried Kracauer (un ami proche de Benjamin, soit dit en passant), le détective constitue une sorte d'analogue du philosophe moderne. Utilisant toutes les ressources de son intellect, il tente de mettre à jour les actes refoulés de la société humaine. Dans un monde désormais privé de toute présence divine, il ne peut appuyer sa recherche que sur des éléments du monde réel. À cet égard, la quête de Walter est incomplète. Ses preuves, sont tantôt détruites ou se révèlent inutilisables. Il ne parvient à restaurer l'équilibre éthique visée qu'en jouant les forces motrices de la société les unes contre les autres et en tirant parti de l'intervention toujours frustrante du hasard.

L'intrigue de la Dame en blanc porte ainsi une grande part d'incomplétude. Walter aurait très bien pu échouer complètement, de même que le complot de nos deux méchants. Le monde du XIXe siècle, comme celui d'aujourd'hui repose sur une grande part de et si. Il n'y a pas de législateur divin destiné.à rétablir inéluctablement la moralité du monde. Tout se joue sur le fil.

Le roman de Wilkie Collins partage en somme moins d'affinité avec les romans policiers immédiatement ultérieurs, qu'avec le roman noir. Il n'y a aucun détective professionnel à l'horizon. L'institution judiciaire se révèle lamentablement impotente. L'individu ne peut faire confiance qu'à lui-même et doit compter avec ses propres pulsions et impulsions intérieures.

 

mercredi 29 août 2012

Jesus contre Hitler

Ça faisait quelques temps que je me disais que je devrais réactiver ce blog. Plutôt que de repartir dans un nouveau roman-feuilleton destiné à demeurer fatalement inachevé, je vais tenter de parler d'autrui. Ça fait déjà quelques années que je fais de la critique musicale et je dois dire que la critique littéraire me démange un peu – et oui, chez le voisin, l'herbe est toujours plus verte.

Pour l'occasion, j'ai décidé d'opter pour une série romanesque toute récente – elle ne date que d'avant-hier. Le titre donne tout de suite la couleur : Jésus contre Hitler.

Je l'ai vu passer ce matin dans mon fil twitter, grâce à la diligence, il me semble, de sobookonline. Une fois passé l'ébahissement initial, tendance what the fuck, je me suis empressé de télécharger le premier volume, gratuit pour l'instant dans l'optique d'une offre de lancement. Je viens de le finir.

Avant toute chose, attachons-nous au paratexte. Ce curieux objet est le produit des éditions Walrus, d'ores et déjà réputées pour leur audace expérimentale. Elles tentent, pour l'essentiel, de tirer partie des potentialités esthétiques du livre numérique. Le répertoire est évidemment à l'encan, volontairement iconoclaste avec sans doute des ratés au passage, mais qu'importe : dans le contexte d'une certaine sclérose de l'industrie du livre, ce rafraichissement fait plaisir à voir.

Jésus contre Hitler est bien dans l'air (et l'ère) du temps – sooooo 2012 dirait Baron Cohen. Le principe est simple : il consiste à entreposer une, deux ou plusieurs icônes connues dans des conditions aussi décoiffantes que possible. On a vu fleurir ce genre d'initiative au cours des dernières années, dans le sillage, notamment, des deux best-sellers de Seth Grahame-Smith : Orgueil et préjugés et Zombies et Abraham Lincoln chasseur de vampire.

À la limite, je serai presque tenté de qualifier ce genre jusqu'ici non-identifié de fantasmy. Plus qu'une simple fantasy, il s'agit d'articuler divers fantasmes et constructions sociales récurrentes. L'auteur ne prétend pas élaborer un monde alternatif : il souhaite plutôt recycler, voire remixer tout un imaginaire collectif.

Dans cette optique, Jésus et Hitler présentent ceci d'intéressant que leurs symbolisations et leurs instrumentalisations sont extrêmement diverses. La matière est riche, propice aux situations les plus surprenantes. Ceci dit, si les prémisses paraissent prometteuses, l'exécution suit-elle ? Assiste-t-on à un remixage de qualité ? Je serai tenté de répondre par l'affirmative.

L'auteur s'attache à mener jusqu'à son thème initial jusqu'à son terme, avec le plus grand des sérieux. Le style est assez classique, clair et neutre. Il s'autorise peu d'écart. Le décalage avec la situation historique est aussi minimal que possible : le theatrum mundi est bien celui de 1960, avec ses techniques datées, ses conjonctures politiques et ses trajectoires individuelles où l'on ressent le passage de la grande histoire (l'un des personnages principaux, Goldstein, évoque ainsi la disparition d'une partie de sa famille dans les camps en des termes quasi-naturalistes).

Cette rigueur narrative sert grandement le délire du propos. Un peu malgré moi, je me surpris à prendre au sérieux, les préparatifs de guerre de John Christ, ses relations, pas toujours évidentes avec Goldstein etc.

Les recettes de base de la bonne fantasmy tendent ainsi à s'apparenter à celle de l'uchronie : ici comme là les meilleurs créations du genre sont celles qui tirent des conséquences aussi concrètes que possible de la divergence initiale.

Finalement, Jésus contre Hitler me fait aussi beaucoup penser à une partition musicale. Le véritable plaisir de lecture ne vient pas seulement du sujet choisi (même si l'on ne doit pas nier qu'il constitue en soit un important motif d'incitation). Ce qui prime avant tout, c'est la jouissance de la variation et du développement, de la capacité du texte à déployer toute l'inventivité de ses composants initiaux.

 

mercredi 28 septembre 2011

Et si Kadhafi avait gagné la guerre ? (3/5)

Une défection. Un coup dur pour le colonel Kadhafi. Le traître devait être certainement courant de certaines exactions loyalistes. Peut-être même en détenait-il des preuves tangibles (documents signés, vidéos etc.). Voilà qui allait conforter les arguments des va-t’en-guerre de l’hexagone. La résolution onusienne s’imposerait d’elle-même. Les russes et les chinois ne cherchaient qu’un prétexte pour suspendre leur opposition. La messe serait dite.

Seuls quelques militaires et hauts-gradés connaissaient la position exacte des trois bateaux en fuite. Ils se trouvaient à 37°77’ N et 11°19’ E. Au beau milieu de la ligne géométrique croisant Bizerte et Marsala. On leur avait initialement prescrit de s’arrêter aux abords de Lampedusa, à l’extrême sud des eaux territoriales italiennes. C’est ce qu’ils avaient faits. Puis, ils avaient soudainement repris leur marche. Ils prétextaient un danger imminent. Leurs messages demeuraient confus. Il semblerait qu’un sous-marin loyaliste les suivait avec pour ferme intention de les couler. Tant qu’ils conservaient une vitesse de croisière supérieure à 25 nœud par heure, ils restaient hors de portée.

Les autorités françaises étaient pressés d’entrer en contact direct. Un rendez-vous avait été fixé à 38°35 N et 9°99’ E. Une corvette se trouvait déjà sur place. Cette procédure s’avérait assez malcommode. A défaut, l’on avait également proposé un mouillage en Sicile. Les dissidents avaient fait montre d’une certaine réticence. Ils se méfiaient de l’Italie. Dépendante de la Libye pour ses importations pétrolières, celle-ci ne reconnaissait que le gouvernement loyaliste : la Libye-de-l’est restait invisible sur les cartes transalpines. Les autorités se montreraient certainement coopératives mais l’on pouvait toujours craindre d’hypothétiques infiltrations. Après tout, certaines mafias avaient bien diversifié leurs activités dans le pétrole africain…

L’équipée rebelle parvint au rendez-vous avec une légère avance (midi moins dix au lieu de midi cinq). On dépêcha un groupe de contact comprenant deux officiels, cinq militaires, un interprète et un aviateur libyen qui avait lui-même fait défection au début de mars. La corvette baignait à proximité, bientôt rejointe par deux ou trois bâtiments anglais, chargé d’assurer la sécurité de l’entrevue. L’on ne remarqua aucun sous-marin. Il n’était même pas certain après tout qu’ils existassent. Sous l’emprise mêlée de la peur et de la propagande les dissidents avaient probablement fui des poursuivants imaginaires.

L’entrevue dura près d’une heure. Elle était presque achevée lorsque des explosions se firent entendre un peu partout…

mardi 20 septembre 2011

wiki-roman-feuilleton (19/60)

La question de Guido Colón flottait dans l’air. Un grand silence s’en était suivi. Panubert ne tenait pas à faire à ces visiteurs impénitents l’honneur d’une réponse immédiate. Il pivota doucement sur ses pieds et prit le temps de poser sa voix — du temps où il s’appelait encore Piccard-Streim il avait reçu une formation avancée en media-training…
— Vous connaissez ma position à ce sujet. Elle n’a pas changé. Je suis un simple contributeur de la Fondation (un peon comme on disait autrefois). Je me contrefous de ces histoires de cabales
— Et la cabale alteromande ?
— Je ne vois vraiment pas de quoi vous voulez parlez.
Panubert alluma une branche de chanvre. Son parfum meublait les incertitudes du moment. Un peu agacé par cette politique de dénégation, Colón entreprit de la trancher menue. Il s’adressa au conversant :
— Eh, petit. Qu’est-ce que c’est déjà que la cabale alteromande ?
Le conversant brancha ses circuits sur les ressources afférentes des encyclopédies premières et secondes :
— La cabale alteromande a été fondée en juin 2028 pour répondre à la domination quasi-totale de la cabale romande sur la Suisse francophone. Il s’agit d’une organisation secrète. L’identité exacte de ses membres n’a pas été publicisée jusqu’à ce jour. Elle s’est notamment fait connaître par ses actes de sabotage sur certains serveurs de la Fondation qui ont entraîné la perte de plusieurs dizaines d’articles. Elle est décrétée organisation terroriste par la directive européenne du 12 juillet 2031. Selon plusieurs sources officieuses, elle aurait planifié une série d’attentats contre diverses institutions proches de la cabale romande. A ce jour aucun d’entre eux n’a été mis à exécution. L’organisation demeure inactive depuis quelques années. La majorité des agences de sécurité l’ont retirée de leur liste noire.
Le conversant acheva assez sèchement son exposé. Il n’avait pas pu ne pas remarquer l’anxiété de son propriétaire. Panubert se tenait toujours debout. Il faisait des efforts visibles pour assouplir ses traits. Colón se retourna vers lui :
— Ça vous dit quelque chose ?
— Je connais vaguement cette organisation.
— Connaissez aussi vaguement ses membres ?
— Vaguement…
— Pourriez-vous leur laisser un message ?
— C’est très improbable. Je peux faire de mon mieux.
— Bien. Nous aimerions accéder au Répertoire des sigles et qualifications.
— Mais… Vous êtes membres de la Fondation. Vous avez un accès libre.
— Nous ne tenons pas à ce que notre hiérarchie soit au courant. Par contre, nous savons que la cabale alteromande a piraté le Répertoire en juin 2036, si je ne m’abuse.
— Je n’en sais rien. Cela se peut. Maintenant si vous permettez j’ai un travail urgent et je me vois dans l’obligation d’abréger notre entretien. Je vous recontacterai.
Sur ces quelques paroles, le président-fondateur de la cabale alteromande Antoine Panubert mit fin à l’entrevue.

dimanche 18 septembre 2011

wiki-roman-feuilleton (18/60)

Jusqu’en août 2019, Panubert s’appelait Antoine Piccard-Streim — un nom on ne peut plus genevois. Progressivement, son pseudonyme wikipédien avait fini par remplacer son état civil. Il l’avait d’abord utilisé sur des CVs et des documents procéduriers, puis dans la vie de tous les jours. En 2017, il obtint la présence d’un nom d’artiste sur son passeport. Enfin, deux ans plus tard, une dérogation cantonale spéciale effaçait Piccard-Streim des registres administratifs. Il était universellement et usuellement connu sous le nom d’Antoine Panubert.

Rien ne prédisposait pourtant une telle substitution. « Panubert » n’était rien de plus qu’un mot-valise, une fusion improvisée de Panurge (une allusion aux moutons) et de Hubert (pourquoi Hubert ? Il n’en savait même plus rien). Il s’était inscrit le 18 septembre 2011 sur la version francophone de l’encyclopédie en ligne. 29 ans plus tard, il continuait d’y contribuer activement.

Il rédigeait un paragraphe sur un philosophe grec oublié (on avait récemment retrouvé un fragment le concernant lors de fouilles dans l’ancienne Bactriane), lorsque son conversant vint le voir :
— On frappe à la porte. Ces individus ne sont jamais venus ici. Est-ce que je les laisse entrer ?
— De qui s’agit-il ?
— Ramaad Azitullah et Guido Colón. Ils travaillent tous deux à la Fondation. Leurs visages sont impassibles. Rien ne permet de déceler ce qu’ils ont en tête.
— Fais les entrer. Propose-leur des rafraîchissement pendant que je boucle ce travail.
Il tapota encore un demi-quart d’heure sur sa feuille écran. Le résultat lui paraissait assez convenable (il était d’ailleurs assez amusant de noter que l’article n’avait pratiquement pas bougé depuis un tiers de siècle) :


Lorsqu’il arriva au salon, Ramaad et Guido étaient confortablement installés sur deux poufs gonflables. Une feuille-écran diffusait les rythmes un peu kitsch d’un vieux rap chinois. Chacun des deux hommes portait un petit verre de jus de cactus. Ils le sirotaient par intermittence.

Guido parla le premier. Il alla droit au but (il n’avait pas beaucoup de temps à accorder aux salutations et autres circonvolutions que multiplient à l’envie les gens inquiets) :
— Juste une question, une seule. As-tu fini par rejoindre la cabale romande ?